Adoptée le 7 février 2022, la loi relative à la protection des enfants, dite « loi Taquet », est venue apporter plusieurs améliorations sur les conditions de repérage, d’accueil et d’accompagnement des enfants relevant de la protection de l’enfance.
La CNAPE saluait alors les avancées introduites par cette loi et insistait sur la nécessité d’une réelle impulsion nationale et locale, d’un accompagnement des professionnels pour la mise en œuvre des nouvelles mesures et d’une allocation des moyens nécessaires pour améliorer le dispositif de protection de l’enfance.
Seulement 7 décrets d’application publiés sur 17
Un an après, le constat est celui d’une mise en œuvre très progressive. Seuls quelques décrets sont parus concernant l’accompagnement des jeunes majeurs, la rémunération des assistants familiaux et le référentiel d’évaluation des situations de danger ou de risque de danger. Au niveau de la gouvernance de la politique de protection de l’enfance, le nouveau groupement d’intérêt public « France enfance protégée » a vu le jour en janvier dernier. Les décrets constituant les nouveaux Conseil national de la protection de l’enfance et Conseil supérieur de l’adoption, ainsi qu’à titre expérimental les comités départementaux de protection de l’enfance, ont été publiés en décembre 2022.
D’autres décrets d’importance sont encore en attente concernant la définition, au sein des projets d’établissement et de service, d’une politique de lutte contre la maltraitance et la désignation d’une autorité extérieure à laquelle l’usager pourra faire appel ; l’accompagnement des personnes désignées tiers dignes de confiance ; le parrainage ou encore le mentorat.
Au regard du nombre de décret d’application encore en attente et du caractère récent de ceux qui ont été publiés au journal officiel, il est encore trop tôt pour avoir un regard réflexif sur l’impact de la loi du 7 février 2022.
Des mesures immédiates… toujours en attente faute de moyens
D’autres évolutions étaient également introduites par ce texte législatif, dont la mise en œuvre devait être instantanée, sans la nécessité que soit publié un décret d’application. Il en est ainsi notamment concernant la non séparation des fratries. En effet, la séparation des frères et sœurs suite à une décision de placement est fréquente, bien qu’elle ne puisse être chiffrée avec exactitude. La loi du 7 février 2022 a introduit dans le code civil[1] une disposition rappelant le principe de non-séparation des fratries, sauf si l’intérêt des enfants commande une autre solution. Parallèlement, elle prévoyait dans son article 27 qu’en cas de séparation des fratries, le service départemental de l’ASE justifie obligatoirement sa décision et en informe le juge compétent dans un délai de 48 heures au plus. Un an après, aucune donnée n’a été publiée, permettant d’évaluer la mise en œuvre de ces dispositions. Il semble toutefois qu’elles ne pourront être effectives sans moyens supplémentaires et sans réorganisation de l’offre d’accueil sur le territoire.
De même, l’article 12 de la loi du 7 février 2022 précise que le rapport de situation remis au juge des enfants, sur le fondement de l’article 375 du code civil, comprend désormais un bilan pédiatrique, psychique et social de l’enfant. Il semble là encore que ces dispositions ne soient pas effectives sur l’ensemble du territoire, faute notamment de moyens.
Dans le même sens, l’article 13 prévoit que le juge des enfants, si la situation le nécessite, peut ordonner que l’AEMO mise en œuvre auprès de l’enfant et de sa famille soit « renforcé ou intensifié ». Pour autant, non seulement ces termes ne sont pas compris de manière similaire selon les départements, mais certains ne disposent pas de service d’AEMO renforcé et/ou intensifié.
Il apparait ainsi, un an après son adoption, que la loi du 7 février 2022 nécessitera encore du temps mais également une véritable impulsion politique pour prendre toute la mesure de son ambition originelle. Force est de constater qu’aujourd’hui, certaines dispositions de la loi du 14 mars 2016 ne sont toujours pas mises en œuvre, notamment concernant le projet pour l’enfant.
[1] Article 375-7 al 3 du code civil