Par sa décision n°2023-863 DC du 25 janvier 2024, le Conseil constitutionnel a censuré, totalement ou partiellement, 35 articles sur les 86 dispositions de la loi « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration », adoptée le 19 décembre 2023 par le Parlement, dans une version largement durcie et contestée.
Le texte soumis aux juges constitutionnels impliquait en effet des conséquences directes sur les droits fondamentaux des MNA et des jeunes majeurs étrangers :
- Le durcissement des conditions de délivrance de titres de séjour aux mineurs confiés à l’Aide sociale à l’enfance (ex-article 33) ;
- La création d’un fichier spécifique pour les MNA soupçonnés d’avoir participé à la commission d’une infraction (article 39) ;
- L’exclusion du dispositif de droit commun de la protection de l’enfance des jeunes majeurs sous OQTF (article 44) ;
- La création d’un cahier des charges national pour l’évaluation de la minorité et de l’isolement (ex-article 45).
Si le Conseil ne s’est pas prononcé sur le fond de ces dispositions, il a toutefois censuré deux des quatre articles susvisés comme « cavaliers législatifs », en raison de l’absence de lien, même indirect, avec le projet de loi initialement déposé par le Gouvernement. Ainsi, ont été déclarés conformes à la Constitution les dispositions suivantes :
- L’article 39 prévoit « le recueil, au sein d’un fichier, des empreintes digitales et de la photographie des mineurs » se déclarant MNA, soupçonnés d’avoir participé à la commission d’une infraction.
Actuellement, il n’existe aucune garantie permettant d’encadrer les modalités de recueil et de sauvegarde des empreintes, de définir les infractions pénales visées par ce fichier ainsi que les personnes habilitées pour recueillir et accéder aux données personnelles des mineurs. La CNAPE veillera particulièrement à ce que la création de ce fichier ne porte pas d’atteinte disproportionnée à la liberté personnelle et à la dignité des mineurs étrangers. - L’article 44 prévoit « une exception à l’obligation de prise en charge par les services départementaux, dans le cadre d’un contrat jeune majeur, des majeurs de vingt et un ans précédemment confiés à l’ASE, lorsqu’ils ont fait l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français ». Cet article marque une rupture avec l’inconditionnalité du dispositif de protection de l’enfance, et instaure une différenciation de traitement flagrant au détriment des mineurs et des jeunes majeurs de nationalité étrangère. La CNAPE rappelle que la prise en charge des mineurs non accompagnés relève exclusivement de la protection de l’enfance, et n’a aucune place dans un texte sur l’immigration.
Conformément à l’avis n°23-07 du Défenseur des droits, les dispositions susvisées compromettent les droits des mineurs isolés et des jeunes majeurs, victimes d’ores et déjà d’une situation de précarité et de vulnérabilité. Le principe d’égalité, l’inconditionnalité du dispositif de protection de l’enfance, ainsi que l’intérêt supérieur de l’enfant qui doit prévaloir dans toutes les décisions impliquant des mineurs, se retrouve ainsi particulièrement entravé.
La CNAPE va solliciter très prochainement les députés et les sénateurs, afin qu’une proposition de loi puisse être déposée dans les meilleurs délais afin de revenir sur les deux articles 39 et 44, qui ne figuraient pas dans le projet de loi initial. Ces dispositions avaient d’ailleurs déjà été supprimées par la commission des lois de l’Assemblée nationale avant de, finalement, être réintégrées dans le texte adopté par la commission mixte paritaire.