Entretien avec Thierry Hervé, directeur du pôle médico-social de la Société Lyonnaise pour l’Enfance et l’Adolescence (Slea)
POUVEZ-VOUS REVENIR SUR LA GENÈSE DU PROJET ?
Le pôle médico-social de la Slea, composé de trois Dispositifs Intégrés Thérapeutiques Éducatifs et Pédagogiques, est entré dans une dynamique inclusive depuis plus de dix ans. Ce changement a conduit les établissements et services à privilégier une logique de territoire afin d’accompagner l’enfant dans ses lieux de vie.
Dans le cadre de cette ouverture, le besoin d’un pôle ressources a émergé pour les enfants déjà accompagnés par l’association mais également pour d’autres jeunes. Pour y répondre, une équipe mobile a été mise en place par redéploiement de moyens, dans le cadre d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens. Ce projet s’est inscrit dans un contexte favorable : d’une part, la volonté de l’agence régionale de santé de favoriser le dépistage, les réponses précoces et la mission de pôle ressources des ESMS ; d’autre part, la publication d’une circulaire de l’Éducation nationale2 relative au développement de pôles ressources dans les circonscriptions du premier degré. Face au risque de multiplication des pôles ressources et afin de ne pas créer un nouveau millefeuille, la Slea a proposé à l’Éducation nationale de s’adosser à leurs pôles ressources de circonscription. Un partenariat très étroit a alors vu le jour.
Concrètement, lorsqu’il repère un enfant en difficulté, le directeur d’école sollicite l’inspecteur de l’Éducation nationale qui se tourne vers l’acteur qui lui semble le plus pertinent (RASED, conseiller pédagogique, médecin scolaire, équipe mobile, etc.) au regard des besoins de l’enfant. Ce travail en commun avec l’Éducation nationale, qui observe les enfants dès leur entrée en maternelle, permet de mettre en œuvre des interventions précoces.
QUELS SONT LES JEUNES CONCERNÉS PAR L’ÉQUIPE MOBILE ?
Une notification de la maison départementale des personnes handicapées n’est pas nécessaire. Ce dispositif nous permet de favoriser les réponses précoces puisque 50% des interventions de l’équipe mobile se déroulent auprès d’enfants de maternelle ou de cours préparatoire.
QUEL ACCOMPAGNEMENT PROPOSE L’ÉQUIPE MOBILE ?
Deux types de sollicitations sont possibles. En majorité, l’équipe répond à des sollicitations concernant des situations individuelles et propose un accompagnement en deux temps : une phase d’observation et une phase de préconisation. La phase d’observation est généralement réalisée par un éducateur ou un enseignant. Le professionnel peut faire appel à une autre personne de l’équipe thérapeutique notamment (orthophoniste, psychiatre, etc.).
Différents bilans viennent alors compléter les observations réalisées.
Puis, vient la phase de préconisation en fonction des besoins de l’enfant à destination des parents, des professionnels de l’école, des partenaires. Les demandes d’intervention les moins communes concernent celles à destination non pas d’un enfant mais d’une équipe éducative. Généralement, elles sont formulées par des écoles qui scolarisent plusieurs enfants en situation de handicap et qui souhaitent monter en compétences sur un sujet précis.
L’équipe mobile propose des modules sur la thématique demandée telle l’autisme ou les troubles du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité. En principe, un accompagnement correspond à trois ou quatre interventions mais le constat est apparu qu’il était difficile d’y mettre fin. Pour y remédier et ne pas exercer les missions d’un SESSAD, l’équipe mobile dirige de plus en plus son action vers un appui aux professionnels entourant l’enfant. S’il apparaît que le besoin de l’enfant nécessite un accompagnement plus soutenu, l’équipe mobile préconisera le recours à un établissement ou service médico-social et aidera la famille dans la constitution du dossier MDPH. Toutefois, en favorisant les interventions précoces, nous souhaitons réduire les préconisations d’orientation vers des établissements et des SESSAD et favoriser les mesures d’accompagnement en direction des parents et des professionnels intervenant auprès de l’enfant. De plus, avant toute intervention, nous demandons l’accord de la famille. Ainsi nous disposons de toutes les légitimités nécessaires : celles de la famille, de l’agence régionale de santé et de l’Éducation nationale.
QUELS PROFESSIONNELS COMPOSENT L’ÉQUIPE MOBILE ?
Lorsque le projet a émergé, le souhait de la Slea était de mobiliser les compétences de l’ensemble des salariés du pôle médico-social et non pas de spécialiser quelques professionnels. Deux possibilités ont été imaginées. Si la demande est effectuée par une école dans laquelle est implantée une unité d’enseignement externalisée (UEE) de la Slea, c’est un professionnel de l’unité (enseignant ou éducateur) qui intervient. Dans le cas contraire, l’intervention est réalisée par un éducateur ou un enseignant du DITEP en fonction de ses compétences et des besoins identifiés.
QUELLES SONT LES PERSPECTIVES D’ÉVOLUTION DE L’ÉQUIPE MOBILE ?
Aujourd’hui, les interventions sont principalement réalisées dans le cadre de l’Éducation nationale. Nous souhaitons que l’équipe mobile se tourne vers le périscolaire, les médecins généralistes libéraux et les parents. Cette démarche en est actuellement au stade de projet mais lors des premiers échanges, les médecins et les municipalités ont montré tout leur intérêt. Cet accompagnement poursuivrait la volonté déjà engagée par la Slea d’offrir une large palette de réponses inclusives, d’éviter les ruptures de parcours et d’intervenir le plus précocement possible sur le lieu de vie de l’enfant.
Article paru dans le magazine FORUM – Octobre 2019