Entretien avec Stéphane Rognon, directeur du Dispositif d’Accompagnement Medico-Educatif La Horgne – Comite Mosellan de Sauvegarde de l’Enfance, de l’Adolescence et des Adultes (CMSEA)
POUVEZ-VOUS REVENIR SUR LA CONSTRUCTION DE CE DISPOSITIF INTEGRE IME ?
Dans le contexte actuel de transformation de l’offre, et suite à une proposition de l’Agence régionale de sante (ARS) Grand-Est, le pôle handicap du CMSEA a saisi l’opportunité de répondre au mouvement inclusif. Son Institut médico-professionnel (IMPro), son Service d’Education Spécialisée et de Soins à Domicile professionnel (SESSAD pro), son Unité d’Enseignement Autisme (UEA) et son Service d’Accueil Familial Thérapeutique et Educatif (SAFTE) ont été transformés en un Dispositif d’Accompagnement Medico-Educatif (DAME).
Ce dispositif intégré vise à mettre en synergie l’ensemble des moyens humains et institutionnels d’un territoire afin de répondre en temps réel aux besoins des adolescents et des jeunes en situation de handicap. Pour y parvenir, l’ARS a modifié l’autorisation de fonctionnement désormais sur l’ensemble du périmètre du dispositif. L’agrément et l’avenant au contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens sont maintenant formules ainsi : « tout mode d’accueil et d’accompagnement ». Ces outils fixent l’objectif du DAME La Horgne : l’inclusion en milieu ordinaire doit être atteinte grâce à de nouvelles prestations hors les murs, lesquelles permettront la transformation de places d’établissements en ambulatoire. La répartition des adolescents et des jeunes adultes ne répond plus à une logique d’établissements et de services. Pour leur offrir des solutions plus souples au plus près de leurs besoins, il est primordial de leur proposer l’ensemble des formes d’accueil et d’accompagnement à titre permanent, temporaire ou selon un mode séquentiel, à temps complet ou partiel, avec ou sans hébergement et d’en créer de nouvelles hors les murs (classes et ateliers externalisés, habitat inclusif, multiplication des visites à domicile, soutien à la parentalité, aide au quotidien, soutien à distance, etc.). Pour ce faire, les conventions d’externalisation avec des acteurs de droit commun ont été développées et de nouveaux concepts comme la pair-aidance et l’autodétermination ont été travaillés.
QUELS CHANGEMENTS POUR LES ADOLESCENTS ET LES JEUNES ADULTES ?
La Maison Départementale des Personnes Handicapées de Moselle a formulé une notification par principe en dispositif intégré IME SESSAD pour chaque adolescent et jeune adulte. Elle favorise la mise en œuvre de modalités multiples et permet un accompagnement à la carte qui ne demande plus une nouvelle évaluation des besoins lorsque ceux-ci évoluent. L’inclusion inversée est, de ce fait, également permise.
Les bénéficiaires accompagnés hors les murs peuvent se voir proposer un hébergement (internat, pension de famille, etc.) au sein du DAME, si nécessaire.
Après une année de fonctionnement, près de 40 % des adolescents et jeunes adultes bénéficient de prestations inclusives. Le dispositif intégré permet d’être plus innovant, audacieux et moins dans la « surprotection » liée au handicap. Ainsi de belles surprises ont vu le jour tels que l’habitat inclusif au profit de deux jeunes adultes, un logement autonome pour un couple, une vingtaine d’inscriptions d’adolescents au sein d’ateliers externalises grâce à des pratiques progressives, en séquentiel, avec des allers et retours entre institution et inclusion.
Même si ce dispositif est un réel levier pour l’inclusion, il trouve ses limites pour environ 30% des adolescents et des jeunes adultes. L’établissement traditionnel reste pour eux un atout structurant et souhaitable au regard de leurs vulnérabilités et fragilités, et de l’état actuel de la société.
QUELLES EVOLUTIONS POUR LES PROFESSIONNELS ?
Un point de vigilance est à souligner. Le dispositif intégré ne signifie pas un taux d’encadrement affaibli mais nécessite un redéploiement des moyens humains. Même si les missions et actions des professionnels évoluent, elles ne sont pas amoindries. Ils doivent intervenir sur un territoire élargi et auprès de partenaires plus nombreux. Les nouvelles pratiques déployées ont nécessité des évolutions des métiers, notamment celui de travailleur social, et donc un remaniement de l’organigramme fonctionnel.
L’enjeu dans un fonctionnement en dispositif intégré est de construire un niveau de coordination supplémentaire.
Ainsi, un référent inclusion a été désigné pour chaque champ d’intervention du DAME (santé, habitat, inclusion professionnelle et scolaire). Leur rôle est de mailler le territoire par des partenariats afin de créer de nouvelles prestations. Ils viennent aujourd’hui en appui des coordonnateurs de parcours qui assurent la liaison entre tous les acteurs intervenant auprès du bénéficiaire et sont les garants de la cohérence de son accompagnement. Pour compléter les missions des référents inclusion et des coordonnateurs de parcours, des professionnels accompagnent et rassurent les acteurs du droit commun du territoire dans leur intervention.
Cette nouvelle organisation constitue un changement profond pour les professionnels habitués à travailler dans une logique d’établissement ou de service. Elle recouvre de nombreux enjeux managériaux et a nécessité un accompagnement important.
Après une année de fonctionnement, la coordination des parcours, point d’orgue de la réussite du DAME, reste un sujet de réflexion puisqu’elle doit prendre corps entre l’ensemble des acteurs intervenant auprès du jeune. La recommandation de l’ANESM sur les niveaux de coordination se révèle être un excellent support de réflexion.
VERS UN MOUVEMENT INCLUSIF ?
L’objectif du passage en dispositif intégré est de permettre un nouveau type de prestation dans un périmètre qui va au-delà de la seule file active de l’établissement. Le DAME met à distance certains freins institutionnels et permet d’obtenir une fluidité nouvelle dans les réponses offertes. Cette première année d’expérience laisse entrevoir la possibilité de nouvelles prestations davantage territorialisées et coopératives avec d’autres acteurs.
Ainsi, le DAME prend la forme d’une palette de prestations variées et souples, en faisant appel à de multiples partenaires, y compris en dehors du champ médico-social. Il devient un maillon important dans l’action de ce secteur, en tant que ressource et expert de l’inclusion.