Le 16 janvier dernier, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a condamné la France pour son absence de protection à l’égard d’un mineur non accompagné (MNA). Cette décision met en lumière les défaillances persistantes dans l’accueil et l’accompagnement des MNA en France et les atteintes aux droits fondamentaux qui en résultent.
Le requérant, un jeune ressortissant guinéen, avait été privé de prise en charge par l’aide sociale à l’enfance (ASE) après que les services départementaux ont contesté sa minorité. Pendant plusieurs mois, et jusqu’à ce qu’une décision de justice finisse par constater sa minorité, ce dernier a dû vivre dans des conditions de très grande précarité.
Dans son arrêt A.C. contre France, la CEDH condamne l’Etat français pour violation de l’article 8 relatif au respect de la vie privée et familiale de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. La Cour retient que, bien que le cadre juridique interne comporte en principe des garanties procédurales répondant aux exigences de l’article 8, dans les faits, la présomption de minorité dont bénéficiait le requérant a été renversée dans des conditions qui l’ont privé de garanties procédurales suffisantes. En effet, la Cour relève que rien ne permet d’indiquer que le requérant aurait reçu les copies des conclusions de l’examen physiologique qui a été pratiqué et que celles-ci ne font pas la mention de la marge d’erreur de ce type d’examen. Par ailleurs, elle estime que le non-lieu à assistance éducative prononcé par le procureur de la République ne comportait aucune motivation et que la décision du conseil départemental se bornait, de manière stéréotypée, à un renvoi vers l’évaluation de l’âge réalisée d’une part, et la décision du procureur d’autre part, sans pour autant comporter une évaluation personnalisée. Enfin, la Cour souligne que les mentions des voies et délais de recours indiquées dans la décision du département étaient incomplètes et imprécises.
La situation de ce jeune guinéen illustre une réalité qui touche aujourd’hui de nombreux jeunes MNA lorsqu’ils atteignent leur majorité. Les obstacles juridiques et administratifs sont nombreux : sans accompagnement spécifique, beaucoup se retrouvent livrés à eux-mêmes, ce qui compromet leur intégration et les expose à des situations d’exclusion ou de marginalisation.
Face à cette réalité alarmante, la CNAPE publie une nouvelle contribution intitulée « Les enjeux de la prise en charge des jeunes majeurs : où en sont les jeunes ex-MNA ? ». Cette publication, analyse les difficultés rencontrées par les associations adhérentes dans l’accompagnement de ces mineurs vers l’âge adulte.
Elle examine, dans un premier temps, les obstacles liés à leur régularisation administrative, en particulier pour les jeunes en conflit avec la loi, puis dans un second temps, les répercussions de leur changement de statut sur l’accès à l’emploi, au logement et aux mesures de soutien.
Cette contribution formule huit recommandations pour déconstruire les stéréotypes négatifs associés aux MNA et simplifier les démarches nécessaires à leur intégration dans la société :
- Prévoir un seul titre de séjour, au titre de la vie privée et familiale, pour l’ensemble des mineurs non accompagnés, soumis à des conditions homogénéisées afin de faciliter les démarches administratives.
- Assurer et financer une formation continue des professionnels en dispensant des formations juridiques notamment sur la régularisation administrative.
- Renforcer les liens des entités institutionnelles, telles que le département et les préfectures avec les professionnels de la protection de l’enfance, en prévoyant notamment des réunions de coordination biannuelles.
- Garantir qu’au moment des demandes de titre de séjour, la préfecture procède à une évaluation globale de la situation des jeunes, en tenant compte des critères établis par la loi.
- Veiller à ce que les mineurs non accompagnés bénéficient d’un accompagnement approprié, tant sur le plan civil que pénal, en lien avec une politique publique dédiée à la protection de l’enfance.
- Veiller à une meilleure coordination entre les services de l’aide sociale à l’enfance et de la protection judiciaire de la jeunesse pour favoriser une fluidité dans l’accompagnement des MNA en conflit avec la loi.
- Pérenniser l’accompagnement jeune majeur pour tous les jeunes, y compris ceux sous OQTF jusqu’à ce que la décision portant obligation de quitter le territoire soit définitive, notamment en cas de recours introduit devant le tribunal administratif.
- Mettre en place et pérenniser des services de suite au sein même des associations qui accueillent les MNA afin de leur permettre de créer des liens avec cet éducateur référent avant la fin de prise en charge par l’ASE.
La condamnation de la France par la CEDH et la publication de cette contribution mettent en lumière les défaillances actuelles du système de protection des MNA. Ces jeunes, souvent confrontés à des parcours migratoires traumatisants, ne peuvent être abandonnés à leur sort par des procédures administratives inadaptées ou par un manque de moyens dédiés. Il est impératif d’assurer un soutien durable et adapté pour leur permettre de s’intégrer pleinement dans la société.