Alors que le récent rapport d’information sur la justice des mineurs de l’Assemblée Nationale rend compte de la réalité et de la complexité à laquelle sont confrontés au quotidien les professionnels œuvrant dans ce domaine et que plusieurs de ses propositions rejoignent celles formulées par la CNAPE, il en est une qui suscite notre inquiétude : celle visant à « confier les compétences en matière de prévention spécialisée de la délinquance à la PJJ afin de garantir son égale application sur l’ensemble du territoire ».
C’est pourquoi, la CNAPE a interpellé les rapporteurs pour leur rappeler que si la prévention spécialisée participe à la prévention de la délinquance, jamais encore elle n’a été dissociée de son objectif initial, à savoir « prévenir la marginalisation et faciliter l’insertion ou la promotion sociale des jeunes et des familles ».
Elle rappelle ainsi que la prévention spécialisée s’adresse à des enfants, des jeunes et des familles dont les vulnérabilités multiples et interactives peuvent produire divers effets et que le travail mené par les équipes de prévention spécialisée ne peut, par conséquent, viser un objectif unique aussi précis que celui proposé dans le rapport.
Par ailleurs, la fédération craint que de scinder la prévention spécialisée en deux pans, l’un assuré par l’Etat, l’autre par les départements et métropoles, n’engendre une dichotomie qui va à l’encontre de ce qui est prôné dans le rapport en faveur du décloisonnement et de la cohérence.
En outre, cette proposition soulève de nombreuses questions dans sa traduction concrète. S’agit-il d’une remise en cause partielle des compétences décentralisées en matière d’aide sociale à l’enfance ? La PJJ assurera-t-elle le financement et le pilotage de ce pan de la prévention spécialisée ? Comment articuler les deux pans qui seront cependant en interaction ? Quelle place pour les associations qui mènent actuellement une large part des actions de prévention spécialisée ?
La CNAPE estime, a contrario, qu’il est temps de donner à la prévention spécialisée clarté et cohérence dans ses missions qui peuvent être multiples, mais dont il importe de préserver l’unité. La réponse n’est pas, nous semble-t-il, de dissocier les acteurs, mais de les associer à une politique publique pilotée par un seul acteur, qui peut viser plusieurs objectifs. Il s’agit de dépasser les clivages, de prendre en compte les réalités des territoires et de conjuguer l’expertise des acteurs de terrain au service d’une même politique de prévention spécialisée au profit des enfants, des jeunes et de leurs familles.
Elle conclut en proposant d’échanger plus particulièrement sur ce sujet et de s’inspirer de différents apports, notamment celui de la mission d’information parlementaire relative à l’avenir de la prévention spécialisée pour clarifier les compétences et faire évoluer le cadre d’action de la prévention spécialisée.