Cause Majeur en appelle au gouvernement. Hier, dans le cadre du projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie de covid19 97 sénateurs ont déposé des amendements visant à permettre aux jeunes majeurs de ne pas se retrouver à la rue le 11 juillet prochain Ces amendements viennent d’être jugés irrecevables pour raison financière car seul l Etat est en capacité de débloquer les fonds nécessaires à cette prise en charge.
Notre collectif alerte sur la nécessité de penser à l’après crise et souhaite interpeller l’opinion publique sur l’urgence sanitaire qui se joue pour ces jeunes parmi les plus vulnérables et dont l’accompagnement risque de se terminer brutalement dès la levée de l’état d’urgence sanitaire…
Pour une prorogation de l’interdiction des sorties sèches à l’issue de la fin de l’état d’urgence sanitaire
La levée de l’état d’urgence sanitaire ne s’accompagnera pas d’un simple retour à la normale. Au contraire, « dans un contexte où les solutions habituelles pour trouver un emploi, une qualification ou un logement n’existent plus »(1) les conséquences économiques de cette crise vont durablement affecter notre pays et, en première ligne, les individus les plus vulnérables parmi lesquels figurent les jeunes majeur·e·s sortant de l’aide sociale à l’enfance.
Sans projet précis ni accompagnement sans logement, ni contrat de travail, ou de stage et job d’été souvent rompu ou annulé à la suite du confinement et dans un contexte général de fragilité économique leur per mettant difficilement de trouver des ressources suffisante s, de nombreux jeunes risquent de se retrouver à la rue au matin du 11 juillet.
C’est pour cette raison qu’il est impératif de proroger pour une durée minimale de 6 mois supplémentaires l’interdiction des sorties des jeunes majeur·e·s de l’aide sociale à l’enfance voté e par le Parlement le 23 mars dernier Dans un tel contexte sanitaire et socio économique délétère il est plus que jamais nécessaire de garantir à ces jeunes un accompagnement renforcé et d éviter les sorties sèches. Notre collectif plaide pour la mise en place d’ un projet d’accompagnement à l’âge adulte dans la continuité du projet personnalisé pour l’enfant. Ce projet d’accompagnement doit permettre l’accès à un accompagnement inconditionnel et global, sans âge couperet, aussi long temps que le ·la jeune en a besoin afin de faciliter son inclusion pleine et entière dans la société.
« Nous encourageons vivement le Parlement à amender l’article 18 de la loi n 2020 290 du 23 mars 2020 en ce sens dès que possible, déclare Florine Pruchon, coordinatrice du Collectif. Le projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie de Covid 19 pourrait tout à fait, à cet égard, inclure un amendement dédié à cette question, lors de son examen par le Sénat à compter du 26 mai prochain. Nous constatons également des interprétations diverses des départements vis-à-vis des jeunes qui fêtent leurs 21 ans il est impératif de clarifier le texte. »
Renforcer l’aide économique apportée aux jeunes
En complément de la poursuite d’accompagnement des jeunes majeur·e·s, assurer des ressources vitales
suffisantes à l’ensemble des jeunes est une priorité. Le gouvernement a annoncé une aide de 200 pour 800 000 jeunes de moins de 25 ans qui sera versée à ceux bénéficiant actuellement des APL. Cette mesure était nécessaire et il convient de saluer en ce sens l’effort fourni par le gouvernement. Pour autant, elle demeure insuffisante dans la mesure où les jeunes font face à une perte de ressources autrement plus importante, la gratification légale pour un stagiaire étant d’environ 500€ par mois par exemple.
De plus, l’identification des jeunes ayant besoin de ressources complémentaires, via le système des APL, ne permet pas de prendre en compte l’ensemble des jeunes les plus en difficulté, notamment ceux pris en charge au titre de la protection de l’enfance. Le collectif Cause Majeur ! recommande que des aides supplémentaires soient versées aux jeunes en difficulté, avec des moyens complémentaires pour identifier ceux qui ne perçoivent pas les APL, et qu’une réflexion soit enclenchée sur l’élargissement de l’accès au RSA aux jeunes de moins de 25 ans n’ayant ni ressources – du fait de la crise – ni soutien familial.
Les MNA, un public encore plus fragilisé
D’autre part, nous nous inquiétons de la situation des jeunes étranger·e·s devenu·e·s majeur·e·s pendant le confinement et de jeunes majeur·e·s ancien·ne·s Mineur·e·s Non-Accompagné·e·s accueilli·e·s en protection de l’enfance qui ne pourront pas déposer leur demande de titre de séjour ou dont le renouvellement est lié au suivi d’une formation. La capacité des préfectures à recevoir du public restera limitée en raison des mesures sanitaires et les formations suivies par ces jeunes ont pu être interrompues.
Afin de réellement sécuriser ces jeunes qui risquent d’être pénalisés au niveau administratif mais aussi au niveau des études, de la formation et de l’emploi, l’ordonnance n°2020-328 du 25 mars 2020 portant prolongation de la durée de validité des documents de séjour doit être prolongée de 6 mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire. Il est tout aussi essentiel que les mineur·e·s isolé·e·s demandeur·se·s d’asile soient considéré·e·s parmi les publics prioritaires pour l’obtention de rendez-vous en GUDA (guichet unique de demandeur d’asile) afin de pouvoir enclencher leurs procédures.
Vers une pérennisation de l’interdiction des sorties sèches
Face à l’urgence actuelle, l’attention et le soutien portés aux jeunes doivent être une priorité pour ne pas aggraver leur vulnérabilité. C’est pourquoi le collectif appelle les autorités à pérenniser l’interdiction des sorties sèches des dispositifs de la protection de l’enfance en danger et/ou en conflit avec la loi au-delà de l’état d’urgence sanitaire.
Si cette situation de crise sanitaire agit comme un catalyseur, la thématique des sorties sèches n’y est pas inhérente, mais représente bien un dysfonctionnement de l’aide sociale à l’enfance. « La gestion de cette problématique en temps de crise a démontré qu’une refonte de la sortie des dispositifs de protection de l’enfance était réalisable : s’’il est possible de mettre un terme aux sorties sèches des dispositifs de la protection de l’enfance en danger ou en conflit avec la loi en temps de crise, pourquoi ne le serait-il pas en temps normal ? »
Dans la tant répétée construction du « monde d’après », les jeunes, a fortiori les plus vulnérables, se doivent d’occuper une place primordiale ; donnons-leur les clés pour être les acteurs de ce changement.
(1) Assemblée nationale, Journal Officiel de la République Française, session ordinaire de 2019 2020, 187e séance. Compte rendu intégral 3e séance du samedi 21 mars