Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a adressé au préfet de police et aux préfets de département une instruction du 21 septembre 2020 relative à l’examen anticipé des demandes de titres de séjour des mineurs étrangers confiés à l’Aide Sociale à l’Enfance. Cette instruction a pour objectif de généraliser l’examen anticipé du droit au séjour et donc d’éviter les ruptures de droits à la majorité pour les MNA engagés dans un parcours professionnel et ce, dans l’intérêt du mineur afin que la question de son droit au séjour soit clarifiée « le plus rapidement possible. »
Le ministre demande à ce que les autorisations provisoires de travail, délivrées aux MNA et nécessaires pour suivre une formation professionnelle, soient confiées à un cadre du service de l’immigration de la préfecture et non plus à la DIRECCTE. Ainsi, lorsque le mineur se présentera à la préfecture, il pourra, s’il le souhaite, accepter que son droit au séjour soit examiné de manière anticipée. Cet examen se déroulera en deux phases : une phase de vérification et d’expertise des documents d’identité du MNA en utilisant le fichier Visabio afin d’écarter les fraudes et une phase de vérification des conditions tenant au suivi de la formation, à la nature des liens avec le pays d’origine, au degré d’insertion et à l’absence de menace pour l’ordre public.
Si le droit au séjour est retenu, les préfectures pourront adresser au mineur arrivé avant 16 ans sur le territoire français une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » sans attendre sa majorité. Si le mineur a été confié après 16 ans à l’ASE, il sera convoqué le lendemain de ses 18 ans afin de se voir délivrer une carte de séjour temporaire « salarié » ou « travailleur temporaire. »
Dans la situation où l’absence de droit au séjour est retenue, la préfecture sensibilisera le mineur et l’ASE de la possibilité de bénéficier du dispositif d’aide au retour volontaire de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Si le Conseil départemental sollicite et obtient une mainlevée de la mesure d’assistance éducative par le juge des enfants au motif que le jeune était en réalité majeur au moment du placement à l’ASE, les préfectures pourront convoquer l’intéressé afin de vérifier sa situation administrative. Si l’examen conclut à une absence de droit au séjour, les préfectures seront dans l’obligation de refuser le séjour et de délivrer une obligation de quitter le territoire français.
Ainsi, cette instruction, présentée comme permettant aux MNA de faciliter leur obtention d’un titre de séjour à la majorité, semble en réalité avoir d’autres objectifs. Dans un premier temps, ce document vient renforcer le recours à l’utilisation des fichiers biométriques. Pour rappel, la CNAPE s’était positionnée contre l’utilisation de ces fichiers qui font primer la lutte contre l’immigration régulière sur les droits de l’enfant.
Par ailleurs, si la première phase de l’examen conduit à un refus de droit au séjour, il appartiendra au conseil départemental « de tirer les conséquences de cette information. » S’agit-il d’une invitation à demander une mainlevée du placement au juge du fait de ce refus ? La CNAPE s’interroge sur les conséquences négatives de cette information au Conseil Départemental qui pourrait s’impliquer de manière moins intense dans la situation d’un jeune qui ne bénéficiera pas d’un titre de séjour à ses 18 ans. De la même manière, ce refus de droit au séjour, avant même la majorité du jeune, pourrait avoir des incidences sur son projet. En effet, de nombreux MNA viennent dans le but de suivre des études ou une formation qualifiante et le fait de savoir qu’ils auront à quitter le territoire dès leur majorité pourrait impacter grandement leur investissement dans leur formation.
En conclusion, la CNAPE craint que cette instruction conduise de nouveau à prioriser la lutte contre l’immigration et non les droits de l’enfant. Il faut souligner que les mineurs non accompagnés sont avant tout des enfants qui doivent être protégés et respectés au regard de tous leurs droits au titre de la Convention internationale des droits de l’enfant, ratifiée par la France en 1990.