Entretien avec Emmanuelle Cassiani, directrice du SESSAD autisme du CMSEA
POUVEZ-VOUS REVENIR SUR LA GÉNÈSE DU PROJET ?
« Agir tôt » permet de profiter de la plasticité cérébrale du tout-petit. Si la maturation du cerveau dure toute la vie, sa plasticité est maximale les trois premières années de vie. Durant la période dite des 1000 premiers jours, ses capacités pour remodeler ses connexions en fonction de l’environnement et des expériences vécues par l’enfant sont accrues. Face au nombre croissant d’enfants présentant des troubles du spectre de l’autisme et des difficultés cérébrales ancrées causés par une prise en charge tardive, le CMSEA a créé une section précoce intégrée à son SESSAD autisme en 2021 dans le cadre d’une réponse à un appel à projet publié par l’agence régionale de santé. Aujourd’hui, le SESSAD accueille 45 enfants de 18 mois à 20ans, dont 10 ont moins de 6 ans.
QUELS SONT LES SPÉCIFICITÉS DE L’ACCOMPAGNEMENT PRÉCOCE ?
Parmi les 130 enfants et adolescents sur la liste d’attente du SESSAD, ils sont nombreux à avoir moins de 6 ans. Les dix nouvelles places de sa section précoce n’ont pas permis de leur apporter à tous une solution. L’admission des plus jeunes a été décidée afin de déployer une intervention la plus rapide possible. L’équipe pluridisciplinaire est composée d’une éducatrice de jeunes enfants, d’une éducatrice spécialisée et de professionnels du soin. Elle déploie auprès de chaque enfant un accompagnement personnalisé et régulier. Chacun bénéficie de quatre à cinq interventions par semaine, de l’ordre du soin ou de l’éducatif, tant sur ses lieux de vie (domicile, école, cantine, etc.) que dans les locaux du service.
Pour certains enfants, l’action du SESSAD vise l’inclusion dans le milieu ordinaire. Pour ceux présentant des troubles du spectre de l’autisme importants voire une déficience intellectuelle associée, un accompagnement plus soutenu, voire quotidien, aurait été nécessaire. Toutefois, l’intervention du SESSAD permet de les familiariser avec le collectif et les prépare à un accueil en milieu spécialisé, faute d’une adaptation optimale de l’école pour les accueillir dans certaines situations. Ils progressent, notamment dans le domaine de la communication, qu’elle soit verbale ou non. Après une année de fonctionnement, il n’est pas aisé d’évaluer les bénéfices de l’action précoce sur le développement de l’enfant. Afin de les mesurer finement, des indicateurs de comparaison et de progression ont été fixés. Le seul critère d’âge s’est révélé insuffisant et ne permet pas de garantir la pertinence du SESSAD pour répondre aux besoins de l’enfant. À l’avenir, une détermination fine et précise de ses besoins va être menée lors de l’admission des tout-petits.
QUELLES ACTIONS MENEZVOUS AUPRÈS DES PARENTS ?
Les parents de jeunes enfants n’ont pas connu l’errance dans la recherche de solutions, ils se mobilisent davantage et sont demandeurs de conseils et de soutien. Premiers éducateurs de leur enfant, ils ont un rôle à part entière dans la réponse à ses besoins. Trop souvent, faute de transfert de compétences sur les besoins particuliers et le fonctionnement de la pensée autistique au moment de l’annonce du handicap, les familles rencontrent des difficultés à se saisir de l’accompagnement mené. Afin d’y remédier, le SESSAD a mis en place des réunions d’informations sur l’autisme. Le sommeil, l’alimentation, l’orientation, la gestion des émotions y sont abordés. Elles sont rapidement devenues des moments importants d’échanges et de tissage de liens entre parents.
Depuis peu, un superviseur peut accompagner l’éducateur lors des visites à domicile. Il est doté d’une double mission : il supervise le professionnel dans sa pratique et apporte des conseils et des explications quant aux actions de l’éducateur. L’appui aux parents va continuer de se renforcer afin de les placer au centre du projet de leur enfant et de favoriser une prise de distance progressive des professionnels. Pour les rendre pleinement acteurs et renforcer les actions de guidance parentale du service, des exercices et des échanges seront développés.
Parfois, pris par les soins et l’accompagnement à porter aux besoins particuliers de leur enfant, ils en oublient leur rôle de parent. Certains sont effondrés et d’autres sont surinvestis. Dans les deux cas, la fonction parentale s’est perdue lors de l’annonce du handicap. Illustration édifiante, il peut arriver de rencontrer un parent n’ayant pas pensé à acheter des jouets à son enfant. Un travail sur les compétences parentales est alors mené pour le replacer en tant que parent avant tout.
AVEZ-VOUS RENCONTRÉ DES DIFFICULTÉS DURANT CETTE PREMIÈRE ANNÉE ?
Touchée par la crise de l’attractivité des métiers de l’humain et par des vacances de postes, cette première année de fonctionnement a néanmoins permis de tirer des enseignements et de mettre en place des réajustements pour répondre au plus près aux besoins de l’enfant. Toutefois, la liste d’attente du service reste encore longue et les moyens alloués ne cessent de se réduire depuis son ouverture. Sans un investissement des autorités publiques à
la hauteur des besoins, de nombreux enfants resteront sans réponse.